Pour courir, il faut une moto... de course ! J'ai construit ma première moto de course en accouplant le cadre en aluminium de ma Honda 750 VFR et un moteur de 750 Ducati TTF1. C’était un « exploit » qui me valut quelques articles dans la presse spécialisée, car j'avais la seule Ducati avec un cadre alu au monde. Les mauvaises langues et autres jaloux la nommèrent « Duconda »...

En 86, je touche un gros chèque. Et à l'époque, sort la 750 VFR. Aujourd'hui, vous devez rigoler, mais en 86, c'était une V4 avec un cadre alu accessible et mes bécanes de route de l'époque, c'était un 350 RDLC et une Honda 750 KZ! Je me rappelle très bien de mon chèque : 46 000 francs, soit 5 mois de salaire de l'époque !

Je roule 2 ans sur la route et un jour, je vais à un rassemblement. Un club de passionnés de muscle cars et autres caisses bidouillées, avait organisé à côté de chez moi un week-end de 400 DA. J'y vais avec le VFR et je tombe sur un type qui avait monté un moteur de Porsche sur une Coccinelle. Le moteur était gonflé avec un kit d'injection de protoxyde d'azote... Aujourd'hui, on appelle ça un NoS.
Bref, on discute, je l’arrose copieusement de bière et le gars me file son contact aux USA. Quatre mois plus tard (ben oui, pas d'internet, fallait faire des courriers...), je reçois le kit, soit deux bouteilles de protoxyde, une électrovanne, les durites et gicleurs pour envoyer la purée dans les carburateurs...


Je monte le truc et je fais des tests : en 3ème, quand tu appuies sur le bouton qui commande la vanne, ça pousse tellement fort que l'avant cabre !!! Heu, les gars, on est en 86... Une H2 fait peut-être ça aujourd'hui, mais à l'époque... Bref, je fais des réglages pour optimiser le truc et trouver le bon débit pour que ça booste à mort !

Et ça a boosté... à mort !

En 5ème, quand j'ai envoyé la purée, le compte-tours s'est collé au taquet, le guidon m'a arraché les bras et j'ai pris la plus grosse accélération de ma vie ! Ça a duré 5 secondes, puis plus rien, le moteur a calé et je me suis retrouvé en roue libre sans avoir eu à embrayer... En fait, la chaîne avait cassé, j'avais explosé le vilebrequin, le carter moteur était fendu en deux et on voyait les bielles sans ouvrir le moteur...
Je me retrouve donc avec une partie cycle « nickel » et un moteur bon pour la benne. C'est de là qu'est venue l'idée de monter le moteur de ma TTF1 dans le cadre de la VFR pour faire les Battles of the Twin. Mais pourquoi ne pas courir avec la TTF1 ???

Ça a donné ça :

Vous noterez le carénage et le réservoir de VFR, la monocoque en poly et la découpe dans le cadre pour passer le linguet d'embrayage...

Et vous savez quoi ? Ben, ça marchait pas mal... Disons que pendant 2 ans, avec cette meule, j'ai appris à rouler sur circuit. Le VFR avait une roue avant de 16', une arrière de 17' et un empattement assez court. Cette géométrie était totalement différente des concurrentes en BoT de l'époque : les Ducati, Guzzi et autres bricolages avaient des empattements très longs. Or, une roue de 16', un cadre rigide, un empattement court et un twin coupleux, c'était l'arme pour les sinueux...
Allez, je finirai par 2 anecdotes qui prouvent que les réflexions les plus poussées dans un garage peuvent donner des résultats étonnants en course.

C'était au Mans pour l'ouverture des 24h. Voilà enfin l'occasion de prouver que ma théorie pour avoir une lame dans le Dunlop était fondée... Oui, car j'avais un peu cassé les couilles à tout le paddock, alors que je n'avais jamais roulé au Mans !


Effectivement, ils ont pleuré... de rire ! Arrivé au bout de la ligne droite, au taquet, avec un braquet très long, le cul en l'air et le nez dans la bulle, je me rends compte du point important de Dunlop : le virage est APRÈS la butte. Si tu attends de voir la courbe pour la gérer, tu ne la prends pas !
Bon, ce jour-là, j'ai appris que ma moto savait voler droit, car j'ai tapé le vibreur, elle a décollé des deux roues (les copains m'ont dit que j'avais bien fait 20 mètres en l'air...) et j'ai fini dans le bac à gravier sans une égratignure ! Enfin, sans une égratignure... De retour au paddock, j'ai eu droit à :
« Si t'as besoin d'une prépa pour passer Dunlop au taquet, demande à ... »

« T'as assuré ! Bon, ça tourne pas ton truc, mais ça vole bien... »

Et une qui me fait beaucoup rire encore aujourd'hui :
Il y a 2 ans, je regardais un GP avec 2 potes dont 1 courait avec moi à cette époque. Le commentateur parlait des aéros et mon ami sort à son copain : « Tu vois, les aéros en moto, c'est ... qui les a inventés dans les années 80 sur une Duconda ! » Le mec n'a jamais compris de quoi on parlait...

La 2ème anecdote est moins drôle :
Je suis une chèvre dans Signes à cause de cette moto ! Je ne peux rien y faire, elle m'a traumatisé ! Pareil, ouverture du Bol, on a une course. C'est ma 1ère fois au Castellet, je fais les essais libres et petit à petit, j'augmente le rythme. Bien chaud, je rentre dans Signes un peu optimiste, je prends doucement les freins, je coupe un poil et là, la moto me fait un truc normalement impossible :
Je me retrouve sur l'angle, en glisse des 2 roues avec un guidonnage de folie ! Sans blague, le guidon tape de butée en butée ! Je ne contrôle plus rien et là, je me dis que c'était une grosse connerie d'avoir arnaqué l'organisateur en ayant mis une plaque de polystyrène pour lui faire croire que j'avais investi dans une dorsale, devenue obligatoire... Bref, je me vois au tas.
Eh bien, je ne suis pas tombé ! Et je ne suis même pas sorti de la piste... Bon, quand j'ai eu à nouveau le contrôle de la moto, je suis sorti de la piste, j'ai posé la moto contre le muret et j'ai été pisser en urgence.
Je suis retourné rouler une dizaine de fois au Castellet, et dans Signes, quelle que soit la moto, je suis totalement à l'arrêt !
